LE HARCÈLEMENT À L’ÉGARD DU PERSONNEL MUNICIPAL : UN PHÉNOMÈNE GÉNÉRALISÉ

LE HARCÈLEMENT À L’ÉGARD DU PERSONNEL MUNICIPAL : UN PHÉNOMÈNE GÉNÉRALISÉ

08/2023 La plupart des employé.e.s de la municipalité des Hauteurs affirme avoir été sujet d’insultes, de cris ou de propos méprisants dans le cadre de leur travail.

Il s’agit d’harcèlement. En effet, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec définit ce phénomène comme le fait de « traiter une personne de façon à nuire à sa dignité, sa santé psychologique ou physique. Le harcèlement se manifeste par des paroles ou des comportements offensants, méprisants, hostiles ou non désirés ».

De telles situations surviennent dans presque toutes les municipalités du Québec. Nous avons donc décidé d’enquêter sur une problématique courante dans le milieu municipal. Pour cela, nous avons interrogé 8 personnes employées de municipalités au Québec présentement ou par le passé. Elles ont demandé l’anonymat par crainte de représailles.

Si plusieurs situations tendues peuvent exister entre les élu.e.s et le personnel municipal, on observe une recrudescence d’actes d’intimidation et de harcèlement de la part de citoyens et de citoyennes à l’égard des employé.e.s.

Il y a plusieurs types de comportements toxiques liés à ce phénomène. Tout d’abord, il y a les actions indirectes.

Un col bleu d’une région voisine nous raconte son histoire : « Je me suis fait prendre en photo par un citoyen lors d’une journée de congé. Il a montré cette photo à mon supérieur. J’ai dû expliquer que c’était un dimanche. Le plus effrayant c’est que des gens me suivent en cachette pour me prendre en photo ».

Une ancienne employée en loisirs d’une autre région présente une situation problématique. « Des citoyennes sont allées voir mon supérieur à quelques reprises pour demander quel était mon travail, sous-entendant que je ne fais pas mon travail. Elles se sont mises en tête que j’étais paresseuse. Pourtant, je ne compte même pas toutes mes heures de travail ».

Un responsable d’une municipalité nous dit s’être fait suivre jusqu’à sa maison à plusieurs reprises. « C’est terrorisant » nous dit-il avec émotion.

Ces actions, qui ne sont pas des interactions concrètes, sont tout de même lourdes à supporter au quotidien. Des individus se croient super-héros alors qu’en fait, ils sont vilains.

Puis, les actions indirectes ne sont les seules sources de harcèlement. En effet, il, y a aussi les comportements subtils comme les micro-agressions.

Deux anciens employés de bureau nous indiquent s’être fait souvent rabaisser. « Si j’avais été à place, ce serait différent, ce serait mieux ». « Tu n’es peut-être pas fait pour cette job ». « Ailleurs, ça ne se passe pas comme ça, c’est bien mieux ».

Ces comportements sont antagonisants, c’est-à-dire qu’ils mettent l’autre en opposition, en position d’ennemi. Il s’agit d’une situation difficile à digérer au quotidien pour une personne ne souhaitant que faire son travail.

Sinon, il y a aussi les personnes qui appellent des dizaines de fois pour la même information. « Il y ceux qui appellent ou qui viennent au bureau pour demander une permission. Après un refus, ils rappellent à plusieurs reprises pensant qu’en insistant, on obtient un oui ». « Je me fais même appeler la nuit pour des permis, la météo, des réservations de salles, etc. » Cette secrétaire nous souligne se sentir impuissante dans cette situation.

Ensuite, il y a les situations où la violence perd toute sa subtilité.

Un autre col bleu, de l’Outaouais cette fois-ci, nous indique que des cris et des menaces font partis de son quotidien. « Des gens viennent au garage me crier dessus ». « Crisse d’incompétent » est une missive appréciée des agresseurs. « Quand il y a une longue tempête de neige intense, je fais de mon mieux pour déblayer la route, je travaille près de 24 heures sans arrêt. Si je prends une pause pour faire une sieste ou manger, il y a toujours une personne qui vient au garage pour me traiter de paresseux ».

Les violences sont souvent le reflet de la société. Effectivement, une autre ancienne employée municipale nous affirme avoir reçu plusieurs insultes sexistes. « Je me suis déjà fait traité de salope par un monsieur, idiote par un autre. Plusieurs m’ont fait des commentaires à connotation sexuels. D’autres m’ont déjà touché les hanches, les cuisses et les fesses. Je ne voulais que faire mon travail ». Toutes les femmes interrogées ont répondu avoir subi un ou plusieurs de ces comportements.

Les conséquences psychologiques du harcèlement peuvent être importantes, surtout lorsque celui-ci est répété. Il peut y avoir de l’anxiété, un épuisement professionnel, une dépression, etc. Bref, le travail reprend son sens originel, il devient une torture.

Lorsqu’on rétorque au harcèlement, on cherchera à blâmer la victime. « Tu travailles au public, tu devrais t’y attendre » est une phrase que l’on entend fréquemment. Pourtant, comme le dit très bien une répondante, « me faire insulter ne fait pas parti de ma définition de tâches ». La banalisation du phénomène n’aide en rien.

Le personnel municipal ne cherche qu’à faire son travail dans un cadre humain. Personne ne souhaite être dans une situation déshumanisante.

Quelles sont les solutions ? Certaines municipalités légifèrent, mais même elles sont impuissantes puisque la portée de leurs actions est limitée. Les employé.e.s ne devraient avoir à se défendre non plus. Ces situations ne devraient tout simplement pas exister.

Grand bruit est fait pour contrer l’intimidation à l’école, il faudrait peut-être que les adultes soient un exemple sain pour la jeunesse. Il serait peut-être temps que les adultes se comportent en adulte.

Date de création: 2023-08-10